Comme un air de famille de Caroline Pochon: quand la musique se joue des barrières

Écrit par sur 20/02/2023

La musique n’a pas de frontière, dit-on. Mieux, elle peut être un pont entre les cultures ; ce que montre Caroline Pochon dans Comme un air de famille, son film documentaire de 56 minutes sorti en 2020. Après les festivals Vues d’Afrique de Montréal et California music video and film festival en mars avec le prix du meilleur documentaire ; Cannes lors de la Journée du film panafricain en juillet ; une première diffusion en septembre sur TV5 Afrique toujours en 2021, le film était à la rencontre des cinéphiles de Dakar et Saint-Louis au Sénégal en fin janvier 2022.

 

Comme un air de famille, est une histoire de rencontres entre deux traditions musicales, illustrant d’une certaine façon le métissage culturel. Notion chère à Léopold Sédar Senghor, vécue et pratiquée ici par des musiciens du pays du feu poète président et des japonais. Et que nous fait apprécier l’auteure et réalisatrice française Caroline Pochon dans son documentaire.

Star du Mbalax, Zale Seck, le principal protagoniste du documentaire Comme un air de famille est un musicien chanteur sénégalais, passé par le célèbre groupe Orchestra Baobab. Installé au Canada depuis une vingtaine d’années, Zale Seck a lancé le « mbalax daagou », un rythme inspiré des sonorités traditionnelles. Il initie avec des musiciens japonais des tournées au Japon ; leur groupe est baptisé le Japon Daagou. C’est une de leurs randonnées musicales à travers les villes japonaises que Caroline Pochon nous fait vivre dans Comme un air de famille.

 

Bien plus qu’une tournée musicale

Alternant voix in, voix hors champ, voix off ; les champ/contre champ et jouant sur les échelles des plans, la réalisatrice embarque le téléspectateur pour 56 minutes de rencontres, de découvertes, de causeries, d’anecdotes, d’émotion, de séquences musicales et évidemment des pas de danse. C’est une agréable aventure que déroule Caroline Pochon avec des personnages si différents de par leurs milieux, origines, langues, mais liés par la musique.

Bien plus qu’un film sur une tournée musicale, la réalisatrice est restée au plus près de ses personnages captant à travers des plans bien adaptés leurs confidences, leurs émotions. On voit le lien se renforcer entre Zale Seck, et Assane son fils et complice musical, pour lesquels ce voyage participe de la transmission culturelle, un peu dans la tradition de la lignée griotique dont ils sont issus. Il y a aussi des moments de création dans une ambiance bon enfant avec Zale Seck véritable bête de scène, son fils Assane talentueux guitariste, et les musiciens japonais notamment Kazufumi Tsuchimura, bassiste, sa compagne Hideko Kimura, pianiste, Ken Tsunoda, le batteur, et le percussionniste Alkali Daisuke. Des séquences bien choisies permettent de savourer du Mbalax résultant des touches des musiciens sénégalais et japonais sur divers instruments.

Caroline Pochon ne s’est pas seulement contentée de montrer dans les détails la tournée du Japon Daagou. Sa caméra montre aussi que l’histoire qu’elle raconte se passe dans un lointain et charmant coin du monde : le Japon avec ses habitants, leurs us et coutumes, leur hospitalité que l’on apprécie à travers leurs hôtes du pays de la Téranga.        

Auteure, scénariste, réalisatrice, Caroline Pochon est habituée des terrains africains où elle a réalisé plusieurs documentaires pour la télévision et des court-métrages documentaires d’auteur, mais aussi de la fiction dont,  La sortie d’essai (2003),  La Deuxième femme (2004), Guérison de Monsieur Kouyaté (2005), Déchiffrage – L’immigration, un problème économique ? (2015). Mais avec Comme un air de Famille elle confesse avoir voulu faire autrement : « Pour moi, en tant que française, c’est bon de décentrer mon regard et de sortir, avec les musiciens, de la problématique post-coloniale, d’interroger d’autres échanges. Être plus proche, dans l’esprit d’un Edouard Glissant, d’un « tout-monde ». Voilà qui justifie ce plaisant documentaire riche de sa musicalité, mais aussi de la joie qu’il véhicule, avec ses personnages attachants, illustrant que l’art se joue des différences culturelles, religieuses ou barrières linguistiques. Bref, un film qui mérite bien son titre, car tout se déroule dans un air de famille.


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